Petite liste des bonheurs de l'orchidophile-semeur :

(pas

)
- posséder des graines et les partager
- le dire à tout le monde, parce que c'est la fête, et on ne fait pas la fête tout seul
- les regarder et méditer : d'une si petite poussière, il sortira une plante parfois gigantesque, avec des fleurs superbement colorées, et peut-être odorantes : magie de la vie
- les semer, les tenir au chaud, et attendre... Méditer sur la relativité du temps
- les transpiquer, et se demander si c'était le bon moment, la bonne méthode
- le dire à tout le monde, parce que c'est une bonne nouvelle
- les regarder grandir dans leur bulle stérile, et s'imaginer à leur place, à l'abri de tout ce qui peut être blessant, négatif, stressant
- briser la flasque, verser le contenu dans l'eau tiède, puis sortir les plantules, les observer, les sécher, avec des gestes tellement précautionneux qu'on n'imaginait pas être capable d'avoir, habitués que nous sommes à lutter
- le dire à tout le monde, parce que c'est une bonne nouvelle et parce que c'est la fête, et on ne fait pas la fête tout seul
- les planter dans le meilleur substrat qu'on a mis une semaine à déterminer, et une autre à trouver
- les acclimater, pour les rendre fortes, aussi fortes, voire plus, que nous le sommes
- se disputer avec le chat, les enfants, les fumeurs, les amateurs de fenêtres ouvertes alors qu'il fait moins 10 degrés dehors
- râler de tout son corps en cas de coupure de courant, de panne de chauffage, de serveur inaccessible, de téléphone déchargé... Il y a des vies en jeu, non ? Et puis c'est bien de pouvoir râler, ça enlève les tensions internes ; crier si les pannes durent plus de 5 minutes, ou si on ne trouve pas le chargeur... Si, si, c'est très bon, le cri est libératoire, on le pratique dans les entreprises japonaises, et les stars suivent des cours à x milliers de dollars pour apprendre à crier, ça fait partie du cursus...
- les regarder grandir encore un peu, tout en leur cherchant une nouvelle famille ; ça donne le blues, mais toute la musique vient de là...
- le dire à tout le monde, parce qu'il y a du partage dans l'air, et qu'on ne peut pas partager avec soi-même
- les emballer avec des précautions dignes du trésor qu'elles sont, pour les envoyer par le meilleur transporteur possible, dans un emballage étudié pendant des jours
- les voir grandir chez leur nouveau propriétaire
- les comparer à leurs soeurettes qui sont restées chez nous ; se demander quel est le secret des autres pour que tout pousse plus vite chez eux ; lire, se documenter, passer des nuits blanches comme quand on était de grands ados
- enfin, les voir fleurir et leur trouver un nom que le monde retiendra... Puis ne pas l'enregistrer, parce que c'est un nom d'amour donné à notre belle, et que personne ne doit connaître pour ne pas lui jeter un sort... Euh, non, parce que l'amour c'est intime... Alors on dit "mon hybride" (du latin ibrida « bâtard, de sang mêlé », devenu hybrida par rapprochement avec le grec ὕβρις, húbris « excès »)... Les plus beaux enfants sont les enfants de l'amour, disait-on au début du siècle dernier, pour pardonner les alliances interdites... Elles sont belles, mes petites, non ? Et excès ? L'amour peut-il être excessif ? Ils sont fous ces Gréco-Romains, comme le disait mon ami Orchidophilix.
- le dire à tout le monde, parce que c'est la fête, et on ne fait pas la fête tout seul
- leur trouver un partenaire, parce qu'elles doivent se reproduire pour être heureuses ; courir les expos, les producteurs, les sites internet, les forums d'échange... Et bien sûr situer le partenaire idéal dans un endroit inaccessible sans la sacro-sainte carte de crédit, et découvrir qu'il nécessite une demi-tonne de paperasse pour voyager... Et ce n'est pas pour l'emballer, non, même pas...
- le dire à tout le monde, parce qu'après tout, si jamais on ne parle des problèmes, jamais on ne trouve de solution
- les féconder, s'imaginer qu'on est une abeille... Faire la danse de l'abeille en se remémorant Ali... Ce n'est pas parce qu'on aime la boxe qu'on est une brute, la preuve...
- attendre la maturité de la capsule en écoutant de la musique... Oui oui, les orchidées aiment aussi les power ballades... Surtout celles des groupes qui ont un nom d'insecte...
- et tout recommencer... La vie est un long fleuve tranquille, dont l'eau finit toujours par nous retomber sur la tête...