L'art perdu du semis sans matériel ou Le plus beau de tous les paphios du monde.
C’est dans les tout premiers temps de ma carrière d’orchidophile que les paphios sont devenus mes orchidées favorites. Ils le sont restés, et ils le sont toujours ; ma première visite dans les serres de M. Marcel Lecoufle a orienté définitivement ma préférence. J’y étais venue avec un cousin amateur de plantes rares et nous recherchions, je m'en souviens comme si cela s'était passé hier, des Alocasia cuprea. Mon cousin en a trouvé à son goût, qu’il a emportés dans notre Flandre natale, mais je suis repartie avec une violette du Cap, un « Cypripedium Maudiae coloratum » et un « Cyripedium bellatulum », comme j’ai appris qu’il fallait dire, dans une belle boîte de carton… C’est, paraît-il, tout à fait caractéristique d’une invasion foudroyante par le virus de l’orchidophilie, à une violette près...
J’avais été fascinée par ces trois plantes. En premier lieu par cette violette du Cap, très particulière pour l’époque, dont il y avait d’innombrables potées sur plusieurs mètres carrés d’une tablette ombragée, près de la porte de la serre, toutes dotées de belles feuilles panachées vert clair et vert bronze, et de fleurs d’un beau bleu foncé velouté. Dans l’air immobile de la serre rien ne bougeait, ces plantes semblaient avoir une fixité de minéral, comme des pierres précieuses bleues qu’on aurait disposées sur un feuillage de malachite. J’ai vu, bien des années plus tard, dans un atelier de Murano, des œuvres d’art de maîtres verriers vénitiens représentant précisément des saintpaulias, en cristal bleu foncé, vert et jaune.
Voyant mon intérêt pour ses violettes, M. Lecoufle me dit aimablement « Je vois que vous aimez ces saintpaulias. La couleur des feuilles vient d’une mutation que je trouve assez jolie et que je propage. Mais puisque vous semblez aimer les fleurs, si vous avez quelques instants, venez, mademoiselle, je vais vous en montrer d’autres ». Oui, j’avais quelques instants. J’étais en réalité une jeune mariée qui est simplement rentrée ce jour-là avec deux heures de retard chez son mari, dans sa Picardie d’adoption.
Nous suivîmes M. Lecoufle dans une autre serre. Et c'est dans cette serre où généralement les clients n'étaient pas admis, dans le parc de la très belle demeure de la rue de l'Eglise, que j'eus ma divine révélation, le coup de foudre dont je me suis jamais remise. Les « cypripédiums » !
(A suivre, bien entendu...)
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